Articles de presse

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La Dépêche du Midi

Un travail de mémoire permanent (17/3/01)

Une assemblée générale de l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros n’est décidément pas une A.G. comme les autres. Si elle est, bien sûr, l’occasion de dresser les bilans, son ton, à l’image de sa présidente Angelita Bettini, doux et saisissant à la fois, allié à la présence de Charles Pistre, le maire de Gaillac, en font décidément un moment à part.

Une année bien remplie. Tous les projets prévus pour l’année 2000 ont vu le jour, avec un point culminant au mois de novembre 2000. L’association a été mise sur le devant de la scène, à l’Athanor, apportant un éclairage sur notre passé, le rôle joué par chacun. Projections de films, conférences-débats, signatures de livres, rien n’a été oublié.
Cependant, comme le souligne la présidente, « l’assocation, ce n’est pas un devoir de mémoire, c’est un besoin de savoir ». C’est la raison pour laquelle elle ne manque pas d’accepter les invitations que les jeunes, et plus particulièrement les établissements scolaires, lui adressent.
C’est ainsi qu’elle a récemment pu apprécier l’intérêt et la curiosité manifestés par les deux classes de Bel-Aspect avec lesquelles elle s’est entretenue. Intérêt que deux universitaires ont par ailleurs confirmé, cette année, en choisissant les camps de Brens et de Rieucros comme sujet de mémoire pour leur maîtrise.
Quant à l’année 2001, le programme annoncé par Rémi Demonsant laisse à penser qu’elle sera, elle aussi, bien remplie !
Ces activités ne représentant cependant qu’une partie du rôle que l’association s’est fixé. L’assemblée générale est donc également l’occasion, pour Michel de Chanterac, de dresser un bilan moral afin de commémorer la mémoire sans s’y perdre, de rester vigilants, de dénoncer l’histoire qui se reproduit aujourd’hui à nos portes.
C’est parce que l’histoire est d’actualité que l’association a demandé au Conseil Général du Tarn de doter chaque collège du département du livre de l’historienne allemande Mechtild Gilzmer et de la cassette du film de Rolande Trempé. Une initiative utile et salutaire, à n’en pas douter.

La Libération

Août : mois du souvenir (10/9/99)

Dans le cadre de la commémoration du 55° anniversaire de la libération de Gaillac et des environs, une cérémonie, organisée par l’Amicale des Anciens Résistants du groupe Vendôme, soutenue par l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros, s’est déroulée à la stèle du camp de Brens. Rappelons les événements : si la libération définitive de Gaillac s’est réalisée le 22 août 1944, la première grande rafle antijuive s’était déroulée le 26 août 1942. Trente-et-une réfugiées, allemandes et polonaises, qui avaient obtenu de la III° République l’asile politique, ont été livrées aux autorités nazies. Elles avaient eu les seuls « torts » d’être juive et antifasciste. Elles furent transférées au camp de St Sulpice et, de là, au camp d’extermination d’Auschwitz « d’où elles ne sont jamais revenues ».
La cérémonie a été suivie par un public nombreux. L’aasociation (camp de Brens) a contribué, cette année, à sortir le camp de Brens de l’oubli par le travail de recherche effectué et les différentes manifestations qu’elle a organisées. Mme Mège, s’exprimant au nom du groupe Vendôme, a rappelé la solidarité entre résistants, déportés et internés et souligné que les idéaux de la Résistance devaient rester intacts dans le coeur des hommes. Devant la montée de certaines violences et le danger des idées racistes, elle a rappelé les hommes de bonne volonté à la vigilance.
L’historienne Rolande Trempé a salué la mémoire de Dora Schaul, décédée le 8 août dernier et qui était la vice-présidente de l’Association. Allemande antifascisite, juive, réfugiée en France bien avant la Guerre, internée au camp de Rieucros près de Mende dès 1939, elle est transférée au camp de Brens le 14 février 1942. Cinq mois plus tard (14 juillet), elle s’en évade et rejoint la Résistance Française à Lyon. Elle a l’immense courage de se faire employer sous le pseudonyme « Renée Fabre » par les services postaux de la Wermacht. Mettant à profit sa connaissance de la langue allemande, elle fiche les agents de la Gestapo lyonnaise. C’est elle qui fera connaître à Londres l’existence de Klaus Barbie et l’organigramme de ce sinistre service.
Les visiteurs de l’exposition ont pu la retrouver avec d’autres allemands antifascistes : Karl, chef du maquis international de Grésigne et Josef Wagner, mis au secret à la prison de Castres par Vichy avant d’être livré à la Gestapo en vertu de l’ignomineux article 19 de la convention d’Armistice.
Michel Terral, maire de Brens, a rappelé le désir du conseil municipal de créer un « Lieu de Mémoire » pour que les souffrances des internés ne soient pas oubliées. Mme Angelita Bettini, présidente de l’association, qui fût internée à 17 ans, était présente. Elle fait partie du groupe désormais peu nombreux des survivantes de ce malheur. Elle nous a dit combien elle était touchée par la présence de nouveaux amis qui veulent que la mémoire des faits ne soit pas prescrite. Enfin, le jeune Emmanuel Demonsant a ému l’assistance devant la stèle fleurie en chantant sans accompagnement « Nuit et Brouillard » de Jean Ferrat et témoignait, au côté d’autres jeunes, que la génération d’aujourd’hui était consciente « qu’oublier le passé, c’est se condamner à le revivre ».

Août : mois du souvenir (début septembre 2000)

Le dimanche 20/8, a eu lieu la commémoration de la Libération de Gaillac. Comme chaque année, s’est déroulée une cérémonie à la stèle du camp de Brens, perpétuant la solidarité entre résistants, internés et déportés unis par les idéaux de la Résistance, célébrant dans la même journée le souvenir de la libération de Gaillac (17 et 22/8/44) et celui de la première grande rafle antijuive (26/8/42) au cours de laquelle 31 réfugiées, allemandes et polonaises, furent transférées au camp de St Sulpice (et de là, au camp d’Auschwitz d’où elles ne sont jamais revenues).
Michel de Chanterac explique que « c’est la première fois que l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros anime cette cérémonie », mais il rend un vif « hommage à celles et à ceux qui, pendant de longues années, ont su maintenir la mémoire de ce qui s’est passé ici pendant la guerre, alors que l’opinion souhaitait majoritairement tourner la page de cette période de notre histoire » (il évoque l’Amicale des Anciennes Internées de la Résistance des Camps de Rieucros et de Brens, animée par Fernande Valignat et Odette Capion, les fondateurs en 1991 de notre association, Charles Couchet et Christian Bardou, l’Amicale des Anciens Résistants du Groupe Vendôme avec Robert et Renée Mège).
Il poursuit en soulignant le fait qu’ « un contexte nouveau a vu le jour : les affaires Bousquet, Touvier, Papon ont révélé la nature du régime de Vichy et ses complicités avec le nazisme. L’opinion passe peu à peu de l’amnésie à la volonté de comprendre ce qui s’est passé ». Cependant, « les forces de la xénophobie, de l’intolérance, du révisionnisme historique, de la préférence nationale – ces mêmes forces qui faisaient le substrat du vychisme – se sont développées dans notre pays ». Il lance un appel à la vigilance « Ne pas faire connaître, gommer, banaliser l’abominable singularité de cette période, c’est ouvrir la voie à toutes les dérives. Le devoir de mémoire, loin d’être un retour narcissique sur le passé, doit éclairer le combat pour la dignité humaine qui est toujours d’actualité dans notre société dominée par un nouveau maître : l’argent ».

Une minute de silence est observée par l’assistance « pour les 1150 détenues qui ont été internées ici, pour les antifascistes allemandes, italiennes et espagnoles livrées tous les mois par l’administration de ce camp aux autorités nazies, mussoliniennes, franquistes ». Cette minute de silence est suivie de la lecture d’un extrait de poème intitulé « ce coeur qui haïssait la guerre » de Robert Desnos, choisi et lu par Philippe Delsau-Franjac :

« Car ces coeurs qui haïssaient la guerre,
Battaient pour la liberté
Au rythme même des saisons et des marées
Du jour et de la nuit
Ce coeur qui hait la guerre
Voilà qu’il bat pour le combat et la bataille. »

Fortes paroles en parfaite harmonie avec l’état d’esprit des internées antifascistes, en particulier allemandes qui avaient fait confiance à la France des Droits de l’Homme de 1789, et dont Angelita Bettini soulignait, dans son intervention, le rôle trop souvent méconnu. Notre présidente évoquait précisément un article du journal « Libération » (17/7/00) de Michel Cullin, secrétaire-général adjoint de l’office franco-allemand pour la jeunesse : « aux côtés de celles contraintes à rester derrière les barbelés, celles (et ceux) qui rejoignirent les maquis ou les réseaux français restent encore aujourd’hui en partie des inconnus. Dora Schaul, la grande dame du Travail Allemand (TA), ce précieux travail d’information sur la Wehrmacht et démoralisation de ses soldats, s’est éteinte l’été dernier à Berlin, oubliée et sans reconnaissance officielle de la France ».
Après Dora, évadée du camp de Brens le 14/7/42 et héroïque dans son « travail » à Lyon, Angelita évoqua une autre compagne de captivité, exemplaire elle aussi : Michèle Domenech à qui, le 20 mai dernier, le ministre Jean-Claude Gayssot a remis, lors d’une émouvante cérémonie à Béziers, la Légion d’Honneur. Et elle montra aussi qu’à Mende, on n’oublie pas les camps, on n’oublie pas Rieucros : une cérémonie y était organisée le 16/7 où elle a retrouvé, 58 ans après, son amie de jeunesse et compagne d’infortune, Arlette Baena (en 42, Angelita et Arlette avaient 19 et 20 ans). Ces retrouvailles extraordinaires ont fait l’objet d’une page entière dans le journal « La Lozère Nouvelle »!
Puis plusieurs gerbes étaient déposées. Le rassemblement reste un succès grâce au soutien des différentes organisations de la Résistance et des Anciens Combattants (dont la FNACA), du Souvenir Français, de la Croix-Rouge, grâce à la présence aussi de nombreux élus de Gaillac, Brens, Rivières, etc… l’aide des autorités (gendarmerie).

Mémoire et avenir (2001 – n° 2834)

Gaillac a reçu, à l’initaitive de l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros, la visite exceptionnelle en octobre, de 2 hôtes remarquables : Mechtild Gilzmer, historienne allemande, et Léo Gerhard, résistant allemand contre le nazisme en France. Ces 2 berlinois sont venus témoigner et dialoguer avec les lycéens : il fut question du passé mais aussi du présent et de l’avenir. Mechtild Gilzmer a été une des premières à s’intéresser, dans une étude approfondie et rigoureuse, au camp de Brens, à sa place, son rôle dans l’univers carcéral et concentrationnaire de Vichy et des nazis. Avec clarté et vigueur, elle a rappelé comment, par une logique implacable, ce camp de femmes, de simple camp de rétention, est devenu une antichambre des camps de la mort. Ces événements de triste mémoire pour la région, ont rappelé à tous que la vigilance, l’esprit critique, la lucidité, doivent être de tous les instants, de toutes les périodes, de tous les pays. Combien de gaillacois ont eu conscience de la gravité de la situation de ces femmes au moment des faits ?
Mais le moment le plus fort de cette visite fut, sans conteste, le témoignage de Léo Gerhard, dont la vie colle à l’histoire de façon dramatique. Dans un récit simple, empreint d’une grande modestie, il a retracé le drame que fut le nazisme, d’abord pour sa famille, avant de l’être pour des millions de personnes. Son père, avocat international, eut le « malheur » de plaider contre Goebbels qui accusait les français de l’avoir maltraité lors de l’occupation de la Ruhr, en 1923, et d’être responsables de son pied-bot, « tare » inacceptable pour un représentant de la « race supérieure ». Son père disposant de preuves irréfutables, eut aussi le malheur de gagner le procès. Dès cet instant, les brimades, les violences allant jusqu’à la torture ne cessèrent plus à l’encontre de sa famille qui dut s’exiler en France, à Paris d’abord, son père y anima une librairie antinazie, humaniste.
Mais les nazis envahirent la France. Il fallut fuir vers le Sud-Ouest, vers Toulouse où Léo paricipa activement à la Résistance dans le cadre d’une organisation allemande, le « Travail Allemand », née au camp du Vernet, et basée à Toulouse. Il réussit à se faire embaucher par la Transport-Kommandantur, établie en face de la gare Matabiau de Toulouse, et il put ainsi donner de nombreux renseignements à la Résistance française concernant les déplacements des nazis, sauver des vies. Dénoncé, il dut se cacher à Castres où il entreprit une action très risquée auprès des soldats allemands cantonnés dans cette ville; arrêté en 1944, encourant la peine de mort pour plusieurs chefs d’inculpation, il ne dut son salut qu’à un miracle. En effet, le président du tribunal nazi de Toulouse, l’estimant trop dangereux, trop important pour être jugé sur place, décida de la faire transférer à Paris où une instance judiciaire nazie d’importance nationale déciderait de son sort, scellé d’avance. Il fut libéré par la résistance de Corrèze qui attaqua le train où il se trouvait en gare d’Allassac. Léo Gerhard finit la guerre aux côtés des résistants du Massif Central.

En égrénant ses souvenirs, il a fait prendre conscience à beaucoup qu’allemand n’éatit pas synonyme de nazi. Faut-il rappeler la part prise par de nombreux allemands antinazis à la résistance locale, qu’il s’agisse de Karl Matiszyk, chef du maquis international de Grésigne, de Dora Shaul internée puis évadée du camp de Brens avant de s’introduire dans les services postaux de la Wehrmacht de Lyon où officiait le sinistre Barbie, ou enfin de Josef Wagner. Ce dernier, connu des gaillacois, avait été élu communiste en 1932 en Allemagne. Dès l’avènement d’Hitler en janvier 1933, il se réfugia en Sarre avant le rattachement de celle-ci à l’Allemagne en 1935, puis en France. Arrêté par les autorités de Vichy en application de l’article 19 de la convention d’armistice de 1940, il fut interné à la prison de Castres puis livré aux nazis qui le décapitèrent à la hache à Berlin.
Narrateur hors pair, maniant la langue de Voltaire comme peu de français, Léo Gerhard a soulevé une émotion intense parmi les jeunes et les moins jeunes. Avec la simplicité de ceux qui n’ont pas besoin de forcer le trait, avec pudeur, il a promené l’auditoire dans l’histoire du XX° siècle et a donné à tous, sans le chercher, une leçon de dignité, de courage, d’optimisme, de joie et de foi en l’avenir par son humanisme lumineux et débordant.
Cet homme était, ce jour-là, le plus jeune de toutes les personnes présentes; c’est peut-être ce qui fut le plus grand choc pour nous tous.
Un grand merci à l’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros, pour l’organisation, dans le cadre des diverses manifestations du salon du livre, d’un moment d’une telle qualité.

Des enseignants du Lycée de Gaillac

Midi Libre

Revue du Tarn

Gaillac, une Résistance internationale (2001 – n°184)

L’Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros (mairie 81600 Brens, apsicbr.multimania.com) s’est impliquée en 2001 dans plusieurs manifestations qui ont mis en lumière des aspects de la Résistance tarnaise trop méconnus des tarnais eux-mêmes.
La Résistance espagnole a été l’un des thêmes abordés lors des Journées sur la Retirada – c’est-à-dire l’exil des républicains espagnols en France en 1939 – co-organisées avec l’association de jumelage Caspe – Gaillac, du 28 au 30 septembre, à Gaillac. Narcisse Falguerra, Président de l’Amicale des anciens guerilleros (F.F.I.), évoqua ces remarquables combattants formés par leur exéprience de la guerre d’Espagne, qui furent très souvent en première ligne dans les combats pour la libération de la France. Dans son livre « Guerilleros en Terre de France. Les Républicains espagnols dans la Résistance française » (Ed. Le temps des cerises), le conférencier met en lumière le rôle de premier plan joué par Gaillac pour la Résistance espagnole de l’ensemble de la zone Sud (31 départements). En effet, à partir d’août 1943, Gaillac devient le siège (rue de la Madeleine) de l’Etat-Major du XIV° corps de guerilleros, qui se transforme, en mai 1944, en « Agrupaciòn de guerilleros españoles« . Le bureau de tabac de Mme Claudin (rue Portal) est le siège de la 4° division, composée des 1° (Pyérénées Orientales), 5° (Aude), 7° (Tarn), 9° (Aveyron) et 11° (Hérault) brigades.
Au-delà de l’engagement de très nombreux juifs dans la Résistance (tels René Cassin, Marc Bloch, Serge Ravanel ou Georges Charpak), il y eut en France et particulièrement dans le Tarn, une Résistance spécifiquement juive. La Compagnie Marc Haguenau, rattachée aux Maquis de Vabre et de Lacaune, et la Compagnie Trumpeldor, rattachée au Corps Franc de la Montagne Noire, qui ont été les plus importants Maquis juifs de France, ont été évoquées par des communications très intéressantes d’historiens et d’acteurs de cette Résistance, lors du colloque « Juifs et non-juifs dans le Tarn pendant la Seconde guerre mondiale » organisé par l’association « Amitiés Judéo Lacaunaises » les 15 et 16 septembre à Lacaune. En attendant la parution des actes de ce colloque, le lecteur peut retrouver, entre autres, l’essentiel des interventions de Valérie Pietravalle-Ermosilla et Jacques Lazarus dans l’excellent ouvrage collectif coordonné par Monique Lise Cohen et Jean-Louis Dufour, « Les juifs dans la Résistance » (éditions Tirésias).
De toutes les formes de résistance, la Résistance allemande est généralement la plus méconnue, et pourtant, elle a bel et bien existé. Ainsi le maquis Montaigne en Lozère qui fut composé essentiellement d’allemands antifascistes ayant combattu en Espagne dans les brigades internationales. Ainsi Karl Matiszyk qui fut le chef d’un maquis international basé en forêt de Grésigne et dépendant du Groupe Vendôme. Ainsi Dora Shaul qui, après son évasion du camp de Brens, rejoignit Lyon où elle s’engagea dans les services postaux de la Wehrmacht pour communiquer, à la Résistance française, les mouvements de troupes de l’armée allemande et l’organigramme de la Gestapo de Barbie. Cependant sa manifestation la plus importante en France, le « Travail Allemand » qui compta qui compta un millier de résistants, a été créé dans la région entre le camp du Vernet et Toulouse. D’ailleurs, quand la cache de Toulouse sera découverte, le siège de l’organisation sera provisoirement transféré à Gaillac chez des résistants allemands, Helena et Josef Wagner. Les principaux objectifs du « Travail Allemand » étaient d’inciter les soldats allemands à déserter et d’infiltrer l’armée et d’autres institutions allemandes en France pour obtenir des renseignements précieux pour la Résistance française. A deux reprises cette année, notre association a rendu hommage à cette résistance particulièrement héroïque. Tout d’abord, le 31 mars à Gaillac, lors de la fête des Droits de l’Homme, dont le thème historique lui était consacré sous la forme d’une conférence – débat, avec l’historien Claude Delpla, auteur d’un article hors-série de la Revue des Sciences Politiques coédité par le Goethe-Institut et l’Institut des Sciences (le 5 octobre) organisée en partenariat avec les municipalités de Gaillac et de Toulouse autour de Gerhard Leo, un ancien résistant allemand, membre du « Travail Allemand », qui a risqué sa vie à Toulouse puis à Castres. Il a relaté son expérience dans son livre « Un allemand dans la Résistance. Le train pour Toulouse » (Ed. Tirésias).
Après cet ensemble de manifestations, les tarnais ne devraient plus avoir d’excuses de méconnaître ces formes de résistance où se mêlèrent, si singulièrement dans notre département, l’Histoire universelle et l’Histoire locale.

Rémi Demonsant.

Références bibliographiques et petits papiers

Livres et publications

Préface du livre de Mechtild Gilzmer
écrite par Michel Del Castillo (auteur de « Tanguy »)

Dans le cas de Rieucros et de ces camps dits « de la honte » disséminés sur tout le territoire, dans cet univers de barraquements et de clôtures, l’ambiguïté se poursuit avec leur origine, régulièrement attribuée au régime de Vichy, allégation inexacte mais pas davantage innocente car, en rejetant sur Pétain la responsabilité de cet univers, on lave la République de la honte qu’on feint d’admettre par ailleurs. J’ai commencé par invoquer Sciascia parce que l’effort de lucidité me semble le devoir premier de l’écrivain qui, connaissant la valeur pleinement humaine des mots, trahit sa vocation chaque fois qu’il accepte de trahir la langue. Qu’on le veuille ou non, la sémantique renvoie inéluctablement à la politique, espace géographique, économique, culturel, linguistique. Rejeter la honte sur Vichy, territoire impur, illégitime sinon illégal, n’est pas plus innocent que de refuser la terminologie exacte « camp de concentration ». Dans les deux cas, la dénégation et le déplacement cachent un terme manquant, univers concentrationnaire soviétique, arbitraire et xénophobie républicains.
Quand je rappelle que le décret autorisant l’internement des « étrangers indésirables » fut pris par Daladier et signé, dès 1938 – plus d’un an avant la déclaration de guerre – par Albert Lebrun, président de la République, je me heurte à la même incrédulité, teintée d’un vague malaise. Ceux qui, dès le lendemain de la guerre, se sont posé la question « comment la France républicaine a-t-elle pu admettre que, sans autre forme de procès, des dizaines de milliers d’étrangers réfugiés sur son sol aient pu être arrêtés, jetés en prison, internés dans des camps avant d’être livrés aux nazis ? », ceux-là trébuchent sur les mots – toujours eux ! Toute crime d’Etat se prépare par l’emploi d’un jargon. La création de ces camps n’échappe pas à la règle : au départ, on a la xénophobie, répandue dans de larges couches de la population française; de ces étrangers méprisés et détestés, il faut faire des coupables.
« Indésirables, susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique », cette terminologie floue suggère une délinquance menaçante et, dans le cas des femmes – Mechtild Gilzmer insiste sur ce point -, des débauches obscures, la prostitution, les maladies vénériennes. Si quelqu’un doute que ce brouillard du langage administratif cache une intention, il lui suffit, dans le cas de Rieucros, de suivre l’administration pénitentiaire dans son itinéraire de ruse : enfermées après leur arrestation à la prison de la Petite-Roquette, les étrangères seront transférées à Mende avec un groupe de détenues de droit commun, ce qui permettra de présenter ces malheureuses comme étant des « femmes de mauvaise vie ». « Et nous l’avons cru ! » s’écriait devant moi le préfet nommé à la Libération, lequel ajoutait d’un ton d’accablement : « Ce fut notre honte à tous. »
Pourquoi ces hommes auraient-ils conçu des soupçons alors que, dans leur imprécision, les mots rappelaient insidieusement l’image de la rouge, de la pétroleuse qui, par des associations mécaniques, évoquait aussitôt la putain et la voleuse ? La ruse ne marchait pas toujours; certains, rares, ne se laissèrent pas abuser. Ainsi du maire de Mende, M. Bourillon, mort en déportation, qui, dès la création du camp de Rieucros et l’arrivée des premiers convois, tenta par tous les moyens de secourir ces femmes. En cette matière, le nombre importe peu : une conscience suffit à dénoncer le mensonge.

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